La pièce en deux parties ( « Millennium Approaches » et « Perestroika » ) de Tony Kushner est une des plus importantes œuvres dramatiques dans la littérature américaine du XXe siècle. Comptant parmi les pièces de théâtre les plus jouées du présent dès les années 1990, ces deux pièces ont aussi été mises à l'écran il y a peu de temps. Le drame monumental d'une durée originale de 7 heures étant restructuré par Mari Mezei, cette version pour l'opéra a une durée de deux à deux et demie heures. La création de l'opéra aura lieu au mois de novembre 2004 au théâtre Le Châtelet à Paris qui a commandé la composition de cette œuvre.

S'engageant en politique, l'auteur new-yorkais Kushner décrit la névrose américaine vers la fin du millénaire comme un cauchemar obscur dans une hallucination théâtrale spectaculaire. Beaucoup des personnages principaux étaient des personnes réelles, telles que, par exemple, Ethel Rosenberg qui fut envoyée à la chaise électrique par un avocat criminel (Roy Cohn), collaborateur de McCarthy. Chez Kushner et aussi dans l'opéra, le fantôme d'Ethel Rosenberg apparait pour regarder Roy Cohn mourir douloureusement de sida.

C'est le mélange parfait d'hallucination et de réalité dans cette pièce qui m'a amené le plus à travailler sur ce sujet, depuis que je me suis occupé de cette idée il y a cinq années.

Dans la version pour l'opéra, je mets moins d'accent sur la ligne politique que Kushner, me concentrant plutôt sur les relations passionnées, sur la tension extrêmement dramatique du merveilleux texte, sur l'état incertain permanent des visions.

Le personnage principal de l'histoire, Prieur Walter, est atteint de sida. Savant qu'il va mourir et luttant pour survivre, il imagine un ange – ou, dans ce cas, une ange – qui lui donne l'ordre de sauver le monde en tant que prophète.

Dans sa vision, il monte aux cieux et, devant les anges étonnés, refuse la mission par les mots suivants : « I’ve lived through such terrible times, and there are people who live through much much worse, but... You see them living anyway. When they’re more spirit than body, more sores than skin, when flies lay eggs in the corners of the eyes of their children, they live. If I can find hope anywhere, that’s it, that’s the best I can do. I want more life. » Enfin, il pose le Livre des Prophètes et retourne sur terre.

L'opéra sera chanté en langue anglaise. Grâce à la proximité étroite des microphones à tous les chanteurs et aux 16 instruments solistes, un contact intense, intime, presque physique est établi entre les 8 acteurs et les spectateurs.

(Peter Eötvös)